mardi 20 janvier 2009

"j'voudrais pas crever..."

Je suis fier de vous présenter une pâle copie d'un célèbre texte de Boris Vian. Je trouve le texte de Vian tellement bien qu'il a fallu que j'essaye de faire pareil. Désolé Boris !  : 


Moi, j’voudrais pas crever…
J’voudrais pas crever sans idées, 
Pas crever d’envie, 
Pas crever d’la vie. 

J’voudrais pas mourir d’amour, 
Mais mourir avec amour. 
Pas crever sans raison, 
Crever avec passion. 

J’voudrais pas mourir desseché, 
Boire et fumer avec volupté, 
Tremper et gouter les plaisirs, 
Lécher et sucer ces desirs. 

J’voudrais pas crever sans regretter, 
Et pas regretter de crever. 
Crever les yeux au ciel, 
Crever les pieds dans l’eau. 

J’voudrais pas mourir sans voyager, 
Sans voir si partout c’est pareil, 
Si partout c’est merveille. 
Pas mourir idiot, 
Pas mourir intello, 
Pas mourir réglo. 

J’voudrais pas crever sans toucher le vent, 
Sans avoir d’amants ; 
Sans avoir des ailes, 
Sans voir l’iréel. 

Pas crever armé, 
Pas crever mal aimé ; 
Le derriere tendu, 
La verge drue. 
J’voudrais pas mourir sans avenir, 
Encore moins sans souvenirs ; 
J’voudrais pas crever sur la Terre, 
Pas crever comme un hamster ;
Sans connaitre la liberté, 
Sans avoir oublié, 
Sans flotter dans les airs, 
Sans pisser dans la mer ; 
Faire l’amour sur la plage
Sans manger le sable, 
Faire l’amour avec rage ; 
Sans limite, innépuisable. 

J’voudrais pas crever pour dieu, 
Pas crever sans adieu. 
Pas mourir sans rire
Mais rire de mourir ; 
Voir l’univers sans étoile, 
La Lune rose et le Soleil bleu, 
La Terre plate et les femmes sans voile, 
Un géni pour tout mes voeux. 

J’voudrais pas crever au printemps
Et pas crever quand il fait beau temps, 
Mourir avant l’hiver, 
Mourir sans déplaire ; 
Pas crever sans abcès, 
Sans crever les abcès, 
Crever à jamais 
Et revenir un jour 
Pour crever une nouvelle fois
Dans un autre état.


Et voilà l'original : 

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...

"Boris Vian"


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